8 millions et demi de logements en France, dont sept millions et demi de résidences principales, soit le quart du parc immobilier, sont en copropriété. Depuis plusieurs années, les acteurs du secteur signalent les difficultés croissantes des copropriétaires à faire face aux dépenses collectives, et en particulier les gros travaux nécessités par le vieillissement des immeubles. L'ARC (Association des responsables de copropriété), tire en cette rentrée la sonnette d'alarme et se mobilise pour assurer la pérennité du patrimoine des copropriétaires.
A fortiori, si la loi du 10 juillet 1965 qui régit le droit de la copropriété a subi de multiples évolutions législatives, notamment en 2000 avec la loi SRU ou encore dernièrement avec la loi ALUR de 2014, destinées à favciliter la prise de décision, la rénovation énergétique des copropriétés ne décolle pas, malgré des obligations légales et de multiples incitations fiscales, aides et subventions. Pourtant, cette question est un véritable enjeu national. 70% des copropriétés en France ont été construites avant 1977, date de mise en œuvre des premières réglementations thermiques. Ces immeubles sont considérés comme de véritables "passoires" thermiques et sont en conséquence particulièrement énergivores.
Force est de constater que les copropriétaires bloquent sur les travaux à réaliser. Aujourd'hui, la loi impose aux copropriétés d'alimenter un fonds de travaux au minimum à hauteur chaque année de 5% de leur budget de charges courantes. Or les études menées récemment, constate l'ARC, montrent que ce n'est pas 5 mais… 40 à 60 % du budget qu'elles devraient mobiliser pour éviter la dépréciation de l'immeuble et donc, du patrimoine des copropriétaires ! Et plus encore pour financer une rénovation énergétique ambitieuse, de nature à faire sérieusement baisser les charges de chauffage !
Si les copropriétaires peinent, c'est aussi, dénonce l'ARC, parce que les syndics n'assurent pas une bonne maîtrise des charges courantes - l'ARC se fait fort de le démontrer grâce à son nouvel outil d'observatoire des charges "Oscar" -, mais c'est aussi à cause de l'absence d'anticipation des travaux de conservation et de rénovation, qui prennent de court les copropriétaires lorsqu'ils deviennent nécessaires. Lorsque les copropriétaires refusent de voter des travaux pourtant indispensables, il ne s'agit pas forcément d'une opposition de principe, mais plutôt d'une accumulation de difficultés dont les causes sont diverses. L'ARC a réalisé durant l'été 2017 une étude approfondie afin d'identifier ces différents facteurs de blocage. Et le manque de moyens financiers des copropriétaires est loin d'en être la cause unique ! Douze points ont été identifiés, révélant des difficultés mal appréhendées par les acteurs de la copropriété. Parmi elles, on peut citer la complexité technico-financière des opérations, pour lesquelles les syndics manquent de compétence et de formation, préférant se limiter à la gestion courante des copropriétés.
A cela s'ajoute la complexité des financements : un véritable maquis d'aides et subventions, fluctuantes et régulièrement remises en cause. Par ailleurs, souligne l'ARC, "lorsque l'on prend en compte le fait que le retour sur investissement de travaux importants peut s'étaler jusqu'à… 25 ans, et que l'on sait que la durée moyenne de détention d'un appartement est de moins de dix ans, on comprend mieux pourquoi les copropriétaires n'ont pas envie d'investir pour le bien des futurs occupants, quand ils auront quitté leur appartement".
Dans ce contexte, ne serait-ce que par manque d'information, les copropriétaires sont incapables de se faire une opinion juste sur la nécessité de réaliser les travaux, la pertinence des devis, etc. "Il ne faut pas non plus négliger certaines pratiques qui n'arrangent rien : par exemple, le fait que les questions relatives aux travaux, qui devraient être prioritaires, sont présentées en dernière position dans l'ordre du jour des assemblées générales, alors que certains copropriétaires ont déjà quitté la salle. Les travaux sont encore moins votés, faute de majorité", suggère l'ARC.
A la veille d'une nouvelle réforme, potentiellement importante, de la législation régissant la copropriété, l'ARC prend les devants et, alors que l'association qui fête cette année son 30ème anniversaire s'était concentrée sur la formation et l'assistance des conseils syndicaux, elle s'investit également pour une meilleure information de l'ensemble des copropriétaires en lançant un magazine grand public d'information intitulé "8 Millions de copropriétaires", dès le 5 octobre en kiosque ou en commande sur le site www.8millionsdecoproprietaires.com. Ce magazine trimestriel, d'une quarantaine de pages, sans publicité, vise à combler un manque, dans un paysage médiatique largement influencé par les professionnels, en proposant des rubriques d'actualité, des points juridiques et de gestion pratique, un coin bailleurs, une enquête, le courrier des lecteurs, un grand entretien, et plusieurs dossiers de fond.
Le premier numéro s’attaque à une question cruciale posée aux copropriétaires : quel est le vrai coût d’entretien de leur immeuble sur le long terme, sachant qu’il dépasse très largement celui des charges courantes ! Comment le calculer ? Comment financer les travaux nécessaires au maintien de sa valeur d’usage et patrimoniale ? Quel devrait être le bon niveau du fonds de travaux, obligatoire depuis le 1er janvier 2017, mais a minima ?
Mais l'ARC se positionne aussi relativement au projet de réforme du gouvernement. L'avant-projet de loi "Droit à l'erreur et pour la simplification", qui devrait être présenté au Conseil des ministres dans les prochaines semaines, prévoit une habilitation du gouvernement à adopter par ordonnance une réforme d'envergure des règles régissant le fonctionnement des copropriétés. Leur gouvernance serait assurée par un conseil d'administration qui, entre autres dispositions, récupèrerait une partie des pouvoirs de l'assemblée générale ; il serait alors habilité à voter les travaux.
"Notre inquiétude est que le gouvernement donne aux seuls experts de l'immobilier (avocats, professeurs d'université, huissiers…) le soin de rédiger ces ordonnances, sans associer les représentants des copropriétaires", indique Gérard Andrieux, président de l'ARC. Et que soient une fois de plus éludés les vrais blocages qui affectent le parc immobilier en copropriété.
Afin de provoquer un débat public sur le sujet, l'ARC co-organisera avant la fin de l'année avec l'appui de la mairie de Paris un colloque où l'ensemble des acteurs de la copropriété seront invités à échanger autour des constats réalisés : experts de l'immobilier, notaires, avocats, syndics, bureaux d'études, institutionnels, opérateurs, copropriétaires, etc. Ce débat devra permettre la rédaction d'un "Livre blanc" qui sera présenté au Gouvernement afin de contribuer à l'écriture de l'ordonnance visant à dynamiser le secteur de la copropriété, notamment en matière de rénovation.
Après son "salon indépendant de la copropriété", qui se tiendra les 18 et 19 octobre à l'Espace Charenton à Paris...
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