Parallèlement à l'enquête "Accès aux droits" publiée par le Défenseur des droits (ex-Halde) sur les discriminations dans l'accès au logement, la fédération TEPP (Travail, Emploi et Politiques Publiques) du CNRS, plus grande fédération pluridisciplinaire de recherche sur le travail et l'emploi en France, vient également de publier un rapport intitulé : "Les discriminations dans l'accès au logement en France: Un testing de couverture nationale". qui confirme les craintes du Défenseur des droits sur l'ampleur de la discrimination à la location ressentie par les personnes interrogées lors de son enquête.
Le rapport du TEPP avait pour objectif de mesurer et d'interpréter les discriminations dans l'accès au logement du parc privé à l'aide d'un "testing" représentatif au niveau de chaque aire urbaine, tout en couvrant un large spectre de motifs de discriminations : l'âge, l'origine, le lieu de résidence et leurs combinaisons. L'opération a consisté à envoyer cinq candidatures fictives en réponse à une sélection de 5.000 annonces de locations dans le parc privé, réparties sur les 50 plus grandes villes du territoire métropolitain. Les 5 individus fictifs ont envoyé le même jour et à quelques heures d'intervalle de courts messages par mail en réponse aux annonces sélectionnées, un deux pièces vide ou meublé, loué environ 500 euros par mois. Les annonces testées étaient publiées depuis moins de trois jours par des particuliers ou des agences immobilières sur des sites internet les plus utilisés : Le Bon Coin, SeLoger.com, Logic-immo, etc.
Résultat du test : Sébastien Petit, 41 ans, d'origine Française, lieu de résidence neutre a reçu 698 réponses non négatives suite à ses 5008 prises de contact avec les annonceurs soit un taux de 13,94%. En revanche, le taux de succès du candidat qui signale une origine maghrébine par son patronyme, Mohamed Chettouh, est de 10,12%. La différence est donc de 3,72 points de pourcentage, soit en termes relatifs 26,7% de chances en moins pour le candidat d'origine maghrébine.
Pour confirmer ou pas si cet écart est statistiquement significatif, six autres candidats n'ont répondu qu'à une annonce sur deux. Les deux candidats qui signalaient une origine franco-française par leur patronyme, Frédéric Rousseau qui habite en "quartier Politique de la Ville" (QPV), et Kévin Durand qui est jeune, ont eu des taux de succès de respectivement 14,80 et 14,85%. Les trois candidats qui signalaient par leur patronyme une origine maghrébine, Mounir Mehdaoui, fonctionnaire, Karim Benchargui, habitant en QPV et Nordine M'Barek, jeune, ont des taux de succès respectivement de 10,7%, 11% et 10,74%. Le taux de succès du dernier candidat, Désiré Sambou, dont le patronyme évoque une origine africaine est de 9,44% soit un écart de 4,5 point et donc 32,30% de chance en moins par rapport au profil Sébastien Petit !
Cette hiérarchie des taux de succès est globalement la même selon que les annonces sont publiées par des professionnels ou par des particuliers. En fait, les niveaux des taux de succès sont nettement plus élevés lorsque les annonces émanent d'agences immobilières, mais le classement des candidats est similaire. Les tests concluent à l'existence d'une discrimination entre les deux candidats, avec un risque d'erreur de 1 %. La conclusion est la même si l'on considère uniquement les agences ou les particuliers. Les agences ne paraissent guère avoir un rôle atténuateur des discriminations lorsque l'on considère les résultats de ce test, indique le rapport.
Les discriminations sont très différentes selon les territoires. Elles sont évidentes dans un petit nombre d'aires urbaines : Perpignan, Limoges, Avignon, le Havre, Nancy, Amiens, Valenciennes, Bethune, Caen et Orléans pour les 10 premières. Les 10 villes les "moins" discriminantes sont : Lorient, Poitiers, Angoulême, Pau, Rouen, Montpellier, Nice Paris, La Rochelle et Bayonne.
Comme le rappelait le Défenseur des droits, le testing comme mode de preuve est maintenant admis dans les recours civils. Encore faut-il que des mesures concrètes puissent dissuader efficacement les contrevenants à une règle de droit établie, à défaut d'un changement d'une mentalité demeurant archaïque dans une France qui se veut progressiste.
Voir TEPP - Rapport de recherche : Les discriminations dans l'accès au logement en France
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