Moins de trois mois avant la séquence électorale susceptible d'infléchir fortement la politique du logement, Thierry Repentin, délégué interministériel à la mixité sociale dans l'habitat et président de la commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier (CNAUF) a tenu, dans un entretien à Batiactu le 2 février, faire valoir les résultats de son action et de la politique menée depuis le début de la législature.
Depuis sa nomination en avril 2015, l'action principale s'est portée sur la nécessité de mettre en oeuvre des sanctions contre les maires ne respectant pas leurs obligations de construction de logements sociaux. Dix-huit mois après, il dresse le bilan de son action et nous a accordé une interview. Sa mission était clairement, d'appliquer les consignes de fermeté dans la mise en oeuvre des obligations des communes concernées à construire 20 à 25% de logements sociaux. Il s'agit de lutter contre l' "apartheid social et territorial" dénoncé par le Premier ministre d'alors, Manuel Valls. "18 mois plus tard, je dresse un bilan très positif de cette mission", déclare-t-il. "Il faut rappeler que la majorité des maires appliquent très scrupuleusement cette loi et sont soucieux de bâtir des villes inclusives, où la mixité sociale est une réalité. Mais il restait tout de même 1.200 communes en retard, dites "déficitaires" et 221 communes très en retard dites "carencées". Il était indispensable que l'Etat fasse respecter les valeurs de la République dans ces villes".
Les lois "Duflot" de 2013 et 2014 ont mis en place des moyens pour faire en sorte que là où les maires ne voulaient objectivement pas faire, l'Etat - les Préfets - puissent faire à leur place. "C'est ce que nous avons fait en délivrant 42 permis de construire et en préemptant 150 terrains. Mais de nombreux maires se sont montrés bénévolants. Sur ces 221 communes, 200 se sont engagées dans un contrat de mixité social avec l'Etat dans lesquels elles ont pris des engagements fermes de rattraper leur retard en y mettant les moyens nécessaires', déclarait Thierry Repentin dans cet entretien.
Pour le délégué interministériel, cette double action de pédagogie et de fermeté a porté ses fruits : "aujourd'hui et surtout depuis la mise en place de la délégation, nous avons multiplié par trois le nombre de logements sociaux programmés sur ces communes sur la période 2014-2016 par rapport aux années 2011-2013. Par ailleurs, l'Etat a également contribué à cet effort, puisque nous avons cédé 15 terrains publics à un prix moindre pour construire du logement social sur ces communes. La décote consentie par l'Etat sur ces terrains représente une "aide à la pierre" de plus de 12 millions d'euros".
Elargissant le débat, Thierry Repetin regrette que le logement tienne une "place secondaire dans les débats" de la campagne présidentielle, alors qu'avec l'emploi il constitue la "première préoccupation des Français". En 2012, les Etats généraux du logement avaient permis ce débat dans la perspective de l'élection présidentielle. "Par ailleurs, plusieurs des candidats font des propositions alors que les dispositions existent déjà - comme pour une meilleure application de la loi SRU. Ce que je prends comme un signe positif au regard de ce que nous avons fait : c'est probablement un appel à poursuivre notre action au-delà de ce quinquennat", remarque-t-il. Il suggère une vigilance sur le devenir des aides personnelles aux logement (APL) qui, au demeurant, concernent davantage d'habitants dans le parc privé que le parc public. Il avoue ne pas comprendre qu'on veuille les restreindre. "Ce serait une catastrophe pour nombre de nos concitoyens qui ont déjà de grandes difficultés à se loger dignement. Il n'y a pas assez de logements abordables dans notre pays et on voudrait en plus supprimer des aides à ceux qui ont déjà peu de capacité à payer un loyer ?" Il remarque aussi que ceux qui voudraient les supprimer ou les amoindrir parlent d'un budget de 40 milliards d'euros alors qu'elles représentent moins de la moitié (18 milliards par an).
Selon lui encore, beaucoup de réformes innovantes et solidaires pourraient être menées. "Au regard de ce que nous avons fait à la délégation, il serait très utile de mettre en place une mission sur l'application du SRU de l'hébergement". Les communes ont en effet également des obligations en matière de places d'hébergement mais là non plus, elles ne sont pas toujours respectées. De même, le logement social recouvre une réalité multiple et il serait nécessaire de s'assurer du fait que les logements dits très sociaux (PLAI) occupent une bonne part des logements construits et soient bien destinés aux locataires les plus modestes. "Je pense qu'un accroissement des aides à la pierre, seule contribution financière directe au logement social est nécessaire, et ce, sous toutes ses formes (subventions, TVA à taux réduit pour le logement social et l'accession sociale, décote sur le foncier,…). Il faudrait également trouver de nouveaux investisseurs dans le logement et, par exemple, faire revenir les investisseurs institutionnels sur ce secteur. Restent ouvertes les questions sur la lutte contre la vacance dans le parc privé et la réhabilitation thermique dont les enjeux sont là encore considérables pour nos concitoyens".
Et d'ajouter aussi que "c'est un chantier qui nécessiterait un vrai travail collectif avec tous les acteurs du logement (privés, associatifs, publics, professionnels du bâtiment..) pour apporter des réponses à la hauteur d'un des grands défis du 21ème siècle : un logement digne, écologique et abordable pour l'ensemble de nos concitoyens".
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